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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/237

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LIVRE IV, CHAP. II.


d’une grande fortune, de la variété, et surtout de la lassitude des plaisirs, de la multiplicité, de la confusion même des fantaisies, qui, lorsqu’elles sont agréables, y sont toujours reçues.

C’est sur toutes ces choses que l’éducation se porte pour faire ce qu’on appelle l’honnête homme [1], qui a toutes les qualités et toutes les vertus que l’on demande dans ce gouvernement.

Là l’honneur, se mêlant partout, entre dans toutes les façons de penser et toutes les manières de sentir, et dirige même les principes.

Cet honneur bizarre fait que les vertus ne sont que ce qu’il veut, et comme il les veut : il met, de son chef, des règles à tout ce qui nous est prescrit ; il étend ou il borne nos devoirs à sa fantaisie, soit qu’ils aient leur source dans la religion, dans la politique, ou dans la morale.

Il n’y a rien dans la monarchie que les lois, la religion et l’honneur prescrivent tant que l’obéissance aux volontés du prince : mais cet honneur nous dicte que le prince ne doit jamais nous prescrire une action qui nous déshonore, parce qu’elle nous rendroit incapables de le servir.

Crillon [2] refusa d’assassiner le duc de Guise, mais il offrit à Henri III de se battre contre lui. Après la Saint-Barthélemy, Charles IX ayant écrit à tous les gouverneurs de faire massacrer les huguenots, le vicomte d’Orte [3] qui commandoit dans Bayonne, écrivit au roi [4] : « Sire, je n’ai

  1. L'honnête homme, dans la langue du XVIIe et du XVIIIe siècle, c’est l’homme bien né et bien élevé. Les honnêtes gens formaient ce qu’on appelle aujourd’hui la bonne société.
  2. A. B. Grillon.
  3. A. B. Le vicomte Dorte.
  4. Voyez l'Histoire de d’Aubigné. (M.)