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LIVRE V, CHAP. VII.


de sociétés, fondé de villes, donné de lois [1] ; et qu’au contraire ceux qui avoient des mœurs simples et austères ont fait la plupart des établissements ; rappeler les hommes aux maximes anciennes, c’est ordinairement les ramener à la vertu.

De plus, s’il y a eu quelque révolution, et que l'on ait donné à l'État une forme nouvelle, cela n’a guère pu se faire qu’avec des peines et des travaux infinis, et rarement avec l’oisiveté et des mœurs corrompues. Ceux même qui ont fait la révolution ont voulu la faire goûter, et ils n’ont guère pu y réussir que par de bonnes lois. Les institutions anciennes sont donc ordinairement des corrections, et les nouvelles, des abus. Dans le cours d’un long gouvernement, on va au mal par une pente insensible, et on ne remonte au bien que par un effort.

On a douté si les membres du sénat dont nous parlons, doivent être à vie, ou choisis pour un temps. Sans doute qu’ils doivent être choisis pour la vie, comme cela se pratiquoit à Rome [2], à Lacédémone [3], et à Athènes même. Car il ne faut pas confondre ce qu’on appeloit le sénat à Athènes, qui étoit un corps qui changeoit tous les trois mois, avec l’Aréopage, dont les membres étoient établis pour la vie, comme des modèles perpétuels.

Maxime générale. Dans un sénat fait pour être la règle, et, pour ainsi dire, le dépôt des mœurs, les sénateurs doivent être élus pour la vie. Dans un sénat

  1. A. B. Donné des lois.
  2. Les magistrats y étoicnt annuels, et les sénateurs pour la vie. (M.)
  3. Lycurgue, dit Xénophon, De republ. Lacedœm., cap. X, § 1 et 2, voulut « qu'on élût les sénateurs parmi les vieillards, pour qu’ils ne se négligeassent pas même à la fin de la vie ; et en les établissant Juges du courage des jeunes gens, il a rendu la vieillesse de ceux-là plus honorable que la force de ceux-ci. » (M.)