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DE L'ESPRIT DES LOIS.


fait pour préparer les affaires, les sénateurs peuvent changer.

L’esprit, dit Aristote, vieillit comme le corps [1]. Cette réflexion n’est bonne qu’à l’égard d’un magistrat unique, et ne peut être appliquée à une assemblée de sénateurs.

Outre l’Aréopage, il y avoit à Athènes des gardiens des mœurs et des gardiens des lois [2]. A Lacédémone, tous les vieillards étoient censeurs. A Rome, deux magistrats particuliers avoient la censure. Comme le sénat veille sur le peuple, il faut que des censeurs aient les yeux sur le peuple et sur le sénat. Il faut qu’ils rétablissent dans la république tout ce qui a été corrompu, qu’ils notent la tiédeur, jugent les négligences, et corrigent les fautes, comme les lois punissent les crimes.

La loi romaine qui vouloit que l’accusation de l’adultère fût publiques [3] étoit admirable pour maintenir la pureté des mœurs ; elle intimidoit les femmes, elle intimidoit aussi ceux qui dévoient veiller sur elles [4].

Rien ne maintient plus les mœurs qu’une extrême subordination des jeunes gens envers les vieillards. Les uns et les autres seront contenus, ceux-là par le respect qu’ils auront pour les vieillards, et ceux-ci par le respect qu’ils auront pour eux-mêmes.

Rien ne donne plus de force aux lois, que la subordination extrême des citoyens aux magistrats. « La grande différence que Lycurgue a mise entre Lacédémone et les autres cités, dit Xénophon [5], consiste en ce qu’il a surtout

  1. Politique, liv. II, c. IX.
  2. L'Aréopage lui-même étoit soumis à la censure. (M.)
  3. C’est-à-dire permise à tout le monde.
  4. Inf., VII, X.
  5. République de Lacédémone, chap. VIII. (M.)