faire dans toute leur fureur naturelle, et le droit des gens y avoir moins d’étendue qu’ailleurs.
Un tel prince a tant de défauts qu’il faudroit craindre d’exposer au grand jour sa stupidité naturelle. Il est caché, et l’on ignore l’état où il se trouve. Par bonheur, les hommes sont tels dans ce pays, qu’ils n’ont besoin que d’un nom qui les gouverne.
Charles XII, étant à Bender [1], trouvant quelque résistance dans le sénat de Suède, écrivit qu’il leur enverroit une de ses bottes pour commander. Cette botte auroit commandé [2] comme un roi despotique.
Si le prince est prisonnier, il est censé être mort, et un autre monte sur le trône. Les traités que fait le prisonnier sont nuls ; son successeur ne les ratifieroit pas. En effet, comme il est les lois [3], l’État et le prince, et que sitôt qu’il n’est plus le prince, il n’est rien ; s’il n’étoit pas censé mort, l’État seroit détruit.
Une des choses qui détermina le plus les Turcs à faire leur paix séparée avec Pierre Ier fut que les Moscovites dirent au vizir qu’en Suède on avoit mis un autre roi sur le trône [4].
La conservation de l’État n’est que la conservation du prince, ou plutôt du palais où il est enfermé. Tout ce qui ne menace pas directement ce palais ou la ville capitale, ne fait point d’impression sur des esprits ignorants, orgueilleux et prévenus ; et, quant à l’enchaînement des événements, ils ne peuvent le suivre, le prévoir, y penser même. La