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DE L'ESPRIT DES LOIS.


politique, ses ressorts et ses lois y doivent être bornées ; et le gouvernement politique y est aussi simple que le gouvernement civil [1].

Tout se réduit à concilier le gouvernement politique et civil avec le gouvernement domestique, les officiers de l’État avec ceux du sérail.

Un pareil État sera dans la meilleure situation, lorsqu’il pourra se regarder comme seul dans le monde ; qu’il sera environné de déserts, et séparé des peuples qu’il appellera barbares [2]. Ne pouvant compter sur la milice, il sera bon qu’il détruise une partie de lui-même.

Comme le principe du gouvernement despotique est la crainte, le but en est la tranquillité ; mais ce n’est point une paix, c’est le silence de ces villes que l’ennemi est près d’occuper.

La force n’étant pas dans l’État, mais dans l’armée qui l’a fondé, il faudroit, pour défendre l’État, conserver cette armée ; mais elle est formidable au prince. Comment donc concilier la sûreté de l’État avec la sûreté de la personne ?

Voyez, je vous prie, avec quelle industrie le gouvernement moscovite cherche à sortir du despotisme, qui lui est plus pesant qu’aux peuples même. On a cassé les grands corps de troupes [3] ; on a diminué les peines des crimes ; on a établi des tribunaux ; on a commencé à connoître les lois ; on a instruit les peuples. Mais il y a des causes particulières, qui le ramèneront peut-être au malheur qu’il vouloit fuir [4].

Dans ces États, la religion a plus d’influence que dans

  1. Selon M. Chardin, il n’y a point de conseil d’État en Perse. (M.)
  2. Chardin, Voyage de Perse, Description du gouvernement, ch. IV.
  3. Les Strélitz.
  4. A. B. Qu’il voudroit fuir. La correction est dans l'édition de 1751.