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DE L'ESPRIT DES LOIS.


trois pour cent sur les successions [1] des gens du peuple [2]. Mais, comme le grand seigneur donne la plupart des terres à sa milice, et en dispose à sa fantaisie ; comme il se saisit de toutes les successions des officiers de l’empire ; comme, lorsqu’un homme meurt sans enfants mâles, le grand seigneur a la propriété, et que les filles n’ont que l’usufruit, il arrive que la plupart des biens de l’État sont possédés d’une manière précaire.

Par la loi de Bantam [3] le roi prend la succession, même la femme, les enfants et la maison [4]. On est obligé, pour éluder la plus cruelle disposition de cette loi, de marier les enfants à huit, neuf ou dix ans, et quelquefois plus jeunes, afin qu’ils ne se trouvent pas faire une malheureuse partie de la succession du père.

Dans les États où il n’y a point de lois fondamentales, la succession à l’empire ne sauroit être fixe. La couronne y est élective par le prince, dans sa famille, ou hors de sa famille. En vain seroit-il établi que l’aîné succéderoit ; le prince en pourroit toujours choisir un autre. Le successeur est déclaré par le prince lui-même, ou par ses ministres, ou par une guerre civile. Ainsi cet État a une raison de dissolution de plus qu’une monarchie.

Chaque prince de la famille royale ayant une égale capacité pour être élu, il arrive que celui qui monte sur

  1. Voyez, sur les successions des Turcs, Lacédémone ancienne et moderne. Voyez aussi Ricaut, de l’Empire ottoman. (M.)
  2. A. B. Le prince se contente de prendre un droit de trois pour cent sur la valeur de la succession.
  3. Bantam était un royaume situe dans l'ile de Java. Les Hollandais en firent la conquête vers la fin du XVIIe siècle.
  4. Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, t. I. La loi de Pégu est moins cruelle ; si on a des enfants, le roi ne succède qu'aux deux tiers. Ibid., t. III, p. 1. (M.)