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CHAPITRE XVII.


DES PRÉSENTS.


C’est un usage, dans les pays despotiques [1], que l'on n’aborde qui que ce soit au-dessus de soi, sans lui faire un présent, pas même les rois. L’empereur du Mogol [2] ne reçoit point les requêtes de ses sujets, qu’il n’en ait reçu quelque chose. Ces princes vont jusqu’à corrompre leurs propres grâces [3].

Cela doit être ainsi dans un gouvernement où personne n’est citoyen ; dans un gouvernement où l’on est plein de l’idée que le supérieur ne doit rien à l’inférieur ; dans un gouvernement où les hommes ne se croient liés que par les châtiments que les uns exercent sur les autres ; dans un gouvernement où il y a peu d’affaires, et où il est rare que l’on ait besoin de se présenter devant un grand, de lui faire des demandes, et encore moins des plaintes.

Dans une république, les présents sont une chose odieuse, parce que la vertu n’en a pas besoin. Dans une

  1. A. B. C'est un usage reçu dans les pays despotiques, etc. La correction est déjà dans l'édition de 1751.
  2. Receuil des voyages qui ont servi à l’établissement de la Compagnie des Indes, t. I, p. 80. (M.)
  3. C'est là un usage oriental qui remonte à la plus haute antiquité, et qui tient aux mœurs plutôt qu'à la nature du gouvernement. Peut-être même était-ce la première forme de l’impôt. Conf., Hérodote, liv. III, chap. LXXXIX.