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LIVRE VI, CHAP. I.

Il ne faut donc pas être étonné de trouver dans les lois de ces États tant de règles, de restrictions, d’extensions, qui multiplient les cas particuliers, et semblent faire un art de la raison même.

La différence de rang, d’origine, de condition, qui est établie dans le gouvernement monarchique, entraîne souvent des distinctions dans la nature des biens ; et des lois relatives à la constitution de cet État peuvent augmenter le nombre de ces distinctions. Ainsi, parmi nous, les biens sont propres, acquêts ou conquêts ; dotaux, paraphernaux ; paternels et maternels ; meubles de plusieurs espèces ; libres, substitués ; du lignage ou non ; nobles en franc-aleu, ou roturiers ; renies foncières, ou constituées à prix d’argent. Chaque sorte de bien est soumise à des règles particulières ; il faut les suivre pour en disposer : ce qui ôte encore de la simplicité [1].

Dans nos gouvernements, les fiefs sont devenus héréditaires. Il a fallu que la Noblesse eût un certain bien, c’est-à-dire que le fief eût une certaine consistance [2], afin que le propriétaire du fief fût en état de servir le prince. Cela a dû produire bien des variétés : par exemple, il y a des pays où l’on n’a pu partager les fiefs entre les frères ; dans d’autres, les cadets ont pu avoir leur subsistance avec plus d’étendue.

Le monarque, qui connoît chacune de ses provinces, peut établir diverses lois, ou souffrir différentes coutumes. Mais le despote ne connoît rien, et ne peut avoir d'atten-

  1. C’est un des grands bienfaits de la Révolution que d’avoir fait disparaître toutes ces distinctions féodales. Cette égalité des biens a coupé jusqu’à la racine les antiques privilèges de la Noblesse ; elle a fait de la France une démocratie.
  2. B. Il a fallu que la Noblesse eût une une certaine consistance, afin que le propriétaire du fief fût en état de servir le prince.