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CHAPITRE VIII.


DES ACCUSATIONS DANS LES DIVERS GOUVERNEMENTS.


A Rome [1], il étoit permis à un citoyen d’en accuser un autre. Cela étoit établi selon l’esprit de la république, où chaque citoyen doit avoir pour le bien public un zèle sans bornes ; où chaque citoyen est censé tenir tous les droits de la patrie dans ses mains [2]. On suivit, sous les empereurs, les maximes de la république ; et d’abord on vit paroître un genre d’hommes funestes, une troupe de délateurs. Quiconque avoit bien des vices et bien des talents, une âme bien basse et un esprit ambitieux, cherchoit un criminel dont la condamnation pût plaire au prince ; c’étoit la voie pour aller aux honneurs et à la fortune [3], chose que nous ne voyons point parmi nous.

Nous avons aujourd’hui une loi admirable : c’est celle qui veut que le prince, établi pour faire exécuter les lois, prépose un officier dans chaque tribunal [4] : pour poursuivre, en son nom, tous les crimes : de sorte que la fonction des délateurs est inconnue parmi nous ; et, si ce

  1. Et dans bien d'autres cités. (M.)
  2. « Le droit d'accuser ouvre une issue aux humeurs qui naissent dans une ville contre chaque citoyen. » Machiavel, Discours sur Tite-Live, liv. I, chap. VII.
  3. Voyez, dans Tacite, les récompenses accordées à ces délateurs. Ann., liv. IV, c. XXX. (M.)
  4. Le procureur général et le procureur du roi.