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LIVRE VI, CHAP. VIII.


vengeur public était soupçonné d’abuser de son ministère, on l’obligerait de nommer son dénonciateur [1].

Dans les lois de Platon [2], ceux qui négligent d’avertir les magistrats, ou de leur donner du secours, doivent être punis. Cela ne conviendroit point aujourd’hui. La partie publique veille pour les citoyens ; elle agit, et ils sont tranquilles [3].

  1. V. Benjamin Constant, Comment, sur Filangieri, IIIe partie, chap. I.
  2. Liv. IX. (M.)
  3. L’accusation remise aux mains des citoyens suppose une société toute différente de la nôtre. Nous n’avons pas le loisir des citoyens d’Athènes ou de Rome, et il est douteux qu’on courût les hasards d’une poursuite si on n’y avait point un intérêt particulier et souvent peu avouable. Si l’esprit de la république veut que chaque citoyen ait pour le bien public un zèle sans bornes, la nature du cœur humain, plus infaillible dans son action que l’esprit du gouvernement civil, exige que chaque homme ait un zèle de préférence et sans bornes pour l’intérêt de ses passions. Ainsi l’institution de la liberté des accusations, au lieu de favoriser le bien public, excite et favorise d’abord Tinté rôt des passions particulières. (SERVAN.)

    Cependant l’exemple de l’Angleterre prouve que, dans un pays libre, on peut permettre certaines accusations publiques, ne fût-ce que pour prévenir la faiblesse ou la connivence du pouvoir. Sur ce point, il y a peut-être quelque chose à prendre des anciens.

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