qui tiennent au temps et non pas à l’homme, on ne saurait estimer trop haut les services que ce Code de la raison et de la liberté, comme le nommait Voltaire
[1], a rendus à la civilisation.
L’adoucissement des lois pénales est son œuvre. En combattant la barbarie des lois criminelles, Beccaria n’est que l’humble disciple de Montesquieu. Qui ne connaît la très humble remontrance adressée aux Inquisiteurs d’Espagne et de Portugal
[2], admirable plaidoyer en faveur de la tolérance.
II faut remonter jusqu'à Pascal pour trouver une aussi poignante ironie. Qui n’a lu le discours sur l’esclavage des nègres
[3] ? Peut-on oublier ces paroles terribles : « De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains.
Car, si elle étoit telle qu’ils le disent, ne
seroit-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ? »
C’est Montesquieu, personne ne l’ignore, qui a fait connaître à nos pères le gouvernement représentatif. Il leur a révélé l’Angleterre politique ; il leur a fait comprendre des institutions jusque-là fort légèrement jugées ; il leur a appris que la division et la balance des pouvoirs était la condition de la liberté. On l’a souvent combattu, on l’a plus souvent mal compris ; mais ce n’est jamais au bénéfice de la liberté qu’on s’est écarté des idées qu’il a défendues.
Je n’insiste pas sur ce point trop connu ; ce qu’on sait moins, c’est l’influence de Montesquieu sur la Constitution fédérale des États-Unis. Qu’on lise le troisième chapitre du neuvième livre de l'Esprit des lois, on y trouvera le premier germe de l’Union. C’est la république de Lycie que Montesquieu propose comme modèle d’une belle république fédérative ; et cela par la raison qu’on y observe la proportion des suf-