Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/377

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE IX.


DE LA CONDITION DES FEMMES DANS LES DIVERS
GOUVERNEMENTS.


Les femmes ont peu de retenue dans les monarchies, parce que la distinction des rangs les appelant à la cour, elles y vont prendre cet esprit de liberté qui est à peu près le seul qu’on y tolère [1]. Chacun se sert de leurs agréments et de leurs passions pour avancer sa fortune [2] ; et comme leur foiblesse ne leur permet pas l’orgueil, mais la vanité, le luxe y règne toujours avec elles [3].

Dans les États despotiques, les femmes n’introduisent point le luxe ; mais elles sont elles-mêmes un objet du luxe. Elles doivent être extrêmement esclaves. Chacun suit l’esprit du gouvernement, et porte chez soi ce qu’il voit établi ailleurs. Comme les lois y sont sévères et exécutées sur-le-champ, on a peur que la liberté des femmes n’y fasse des affaires. Leurs brouilleries, leurs indiscrétions, leurs répugnances, leurs penchants, leurs jalousies, leurs piques, cet art qu’ont les petites âmes d’intéresser les grandes, n’y sauroient être sans conséquence [4].

  1. A. B. Qui est le seul qu'on y tolère.
  2. Lettres persanes, CVII.
  3. N'y a-t-il pas aussi de l'honneur pour les femmes dans la monarchie ? Je suis trop pauvre pour être votre femme, disait Catherine de Rohan à Henri IV, mais de trop bonne maison pour être votre maîtresse.
  4. Inf., XVI, 9.