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DE L'ESPRIT DES LOIS.


bles [1]  ; le prince n'y est pas averti d'une manière prompte et éclatante, comme il l'est à la Chine.

Il ne sentira point, comme nos princes, que, s'il gouverne mal, il sera moins heureux dans l'autre vie, moins puissant et moins riche dans celle-ci. Il saura que, si son gouvernement n'est pas bon, il perdra l'empire et la vie.

Comme, malgré les expositions d'enfants, le peuple augmente toujours à la Chine [2], il faut un travail infatigable pour faire produire aux terres de quoi le nourrir : cela demande une grande attention de la part du gouvernement [3]. Il est à tous les instants intéressé à ce que tout le monde puisse travailler sans crainte d'être frustré de ses peines. Ce doit moins être un gouvernement civil qu'un gouvernement domestique [4].

Voilà ce qui a produit les règlements dont on parle tant. On a voulu faire régner les lois avec le despotisme ; mais ce qui est joint avec le despotisme n'a plus de force. En vain ce despotisme, pressé par ses malheurs, a-t-il voulu s'enchaîner ; il s'arme de ses chaînes, et devient plus terrible encore.

La Chine est donc un État despotique, dont le principe est la crainte. Peut-être que dans les premières dynasties, l'empire n'étant pas si étendu, le gouvernement déclinoit un peu de cet esprit. Mais aujourd'hui cela n'est pas.

  1. A. B. Des effets d'abord sensibles. Corrigé dans l'édition de 1751.
  2. Voyez le mémoire d'un Tsongtou, pour qu'on défriche, Lettres édif., 21e recueil. (M.)
  3. A. B. Cela demande du gouvernement une attention qu'on n'a point ailleurs.
  4. Montesquieu a raison. La Chine est un gouvernement paternel et administratif, réglé par la coutume. Mais ce gouvernement sui generis rentre en rien dans la classification de l'Esprit des Lois, C'est ce qui explique l'embarras, et quelquefois l'impatience, de l'auteur.