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XL
INTRODUCTION


gens timorés qui sanctifient les abus quand ils sont anciens, et ne permettent pas qu'on maltraite les Pharaons de peur que la critique ne retombe sur la royauté française. C’est ainsi que Dupin en veut aux Romains d’avoir chassé Tarquin le Superbe : « L’exil des Tarquins, dit-il, en délivrant Rome de ses tyrans domestiques, accrut au dehors le nombre de ses ennemis. Il lui fit perdre ses alliés ; et cette ville, destinée à être la maîtresse du monde, fut près de rentrer dans le néant d’où elle étoit sortie deux cent quarante-trois ans auparavant. D’ailleurs cet exemple, puisé dans les temps orageux d'un État naissant, ne justifiera jamais l'attentat des sujets contre leur souverain [1]. »

Rencontre-t-il sur son chemin un passage où Montesquieu parle de la dictature, sans même la juger, l'honnête fermier général profite de l’occasion pour célébrer la monarchie. « L’excellence du gouvernement d’un seul est si bien démontrée, dans les républiques mêmes, que sitôt que Rome se voyoit menacée de quelque danger, elle créoit un dictateur, magistrat qui exerçoit un pouvoir tout à fait monarchique, et plus étendu que celui des rois qui avaient fondé cet empire [2]. »

Réduire l’histoire du monde à l’apologie de la royauté française, c’est un système commode ; mais on peut douter que de pareils critiques, malgré la pureté de leur foi monarchique, eussent qualité pour corriger et réformer Montesquieu. Ce qu’ils ont prouvé le plus clairement, c’est la petitesse de leur esprit.

Peut-être faudrait-il parler des observations que Grosley adressa à Montesquieu en 1750. Elles frappèrent le président. Il y fit une réponse, qu’on nous a conservée. De cette réponse même il a tiré un chapitre de l’Esprit des lois [3].

  1. Observations sur le livre XI, chap. XII.
  2. Ibid., liv. XI, ch. XVI.
  3. Livre XV, ch. IX, dans l’Édition de 1758.