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DE L'ESPRIT DES LOIS.


différents sont formés par des magistrats du même corps ; ce qui ne fait guère qu’une même puissance.

La puissance de juger ne doit pas être donnée à un sénat permanent, mais exercée par des personnes tirées du corps du peuple [1], dans certains temps de l’année, de la manière prescrite par la loi, pour former un tribunal qui ne dure qu’autant que la nécessité le requiert.

De cette façon, la puissance de juger, si terrible parmi les hommes, n’étant attachée ni à un certain état, ni à une certaine profession, devient, pour ainsi dire, invisible et nulle. On n’a point continuellement des juges devant les yeux ; et l’on craint la magistrature, et non pas les magistrats.

Il faut même que, dans les grandes accusations, le criminel, concurremment avec la loi, se choisisse des juges ; ou du moins qu’il en puisse récuser un si grand nombre, que ceux qui restent soient censés être de son choix [2].

Les deux autres pouvoirs pourroient plutôt être donnés à des magistrats ou à des corps permanents, parce qu’ils ne s’exercent sur aucun particulier ; n’étant, l’un, que la volonté générale de l’État, et l’autre, que l’exécution de cette volonté générale.

Mais, si les tribunaux ne doivent pas être fixes, les jugements doivent l’être à un tel point, qu’ils ne soient jamais qu’un texte précis de la loi [3] . S’ils étoient une opinion particulière du juge, on vivroit dans la société, sans savoir précisément les engagements que l'on y contracte.

  1. Comme à Athènes. (M.) C’est le jury auquel Montesquieu fait allusion.
  2. Inf. XI, XVIII.
  3. Sup. Vl, III.