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DE L'ESPRIT DES LOIS.


n’avoient pas, comme le peuple, la faculté d’empêcher.

Voici donc la constitution fondamentale du gouvernement dont nous parlons. Le corps législatif y étant composé de deux parties, l'une enchaînera l’autre par sa faculté mutuelle d’empêcher. Toutes les deux seront liées par la puissance exécutrice, qui le sera elle-même par la législative.

Ces trois puissances devroient former un repos ou une inaction. Mais comme, par le mouvement nécessaire des choses, elles sont contraintes d’aller, elles seront forcées d’aller de concert [1].

La puissance exécutrice ne faisant partie de la législative que par sa faculté d’empêcher, elle ne sauroit entrer dans le débat des affaires. Il n’est pas même nécessaire qu’elle propose, parce que, pouvant toujours désapprouver les résolutions, elle peut rejeter les décisions des propositions qu’elle auroit voulu qu’on n’eût pas faites.

Dans quelques républiques anciennes, où le peuple en corps avoit le débat des affaires, il étoit naturel que la puissance exécutrice les proposât et les débattît avec lui ; sans quoi il y auroit eu dans les résolutions une confusion étrange.

Si la puissance exécutrice statue sur la levée des deniers publics autrement que par son consentement, il n’y aura plus de liberté, parce qu’elle deviendra législative dans le point le plus important de la législation.

Si la puissance législative statue, non pas d’année en

  1. Cette comparaison du gouvernement à un mécanisme plaisait fort à Montesquieu, qui n'a pas peu contribué à la mettre à la mode. Qui n'a entendu parler de la balance des pouvoirs ? Aujourd’hui on compare de préférence les sociétés et les gouvernements à des organismes vivants, et, quoique toute comparaison soit dangereuse, on est un peu moins loin de la vérité.