CHAPITRE XVII.
L’ostracisme doit être examiné par les règles de la loi politique, et non par les règles de la loi civile ; et, bien loin que cet usage puisse flétrir le gouvernement populaire, il est au contraire très-propre à en prouver la douceur ; et nous aurions senti cela, si l’exil parmi nous étant toujours une peine, nous avions pu séparer l’idée de l’ostracisme d’avec celle de la punition.
Aristote nous dit [1] qu’il est convenu de tout le monde que cette pratique a quelque chose d’humain et de populaire. Si, dans les temps et dans les lieux où l’on exerçoit ce jugement, on ne le trouvoit point odieux, est-ce à nous qui voyons les choses de si loin, de penser autrement que les accusateurs, les juges, et l’accusé même ?
Et si l’on fait attention que ce jugement du peuple combloit de gloire celui contre qui il étoit rendu ; que lorsqu’on en eut abusé à Athènes contre un homme sans mérite [2], on cessa dans ce moment de l’employer [3] : on verra bien qu’on en a pris une fausse idée, et que c’étoit une loi admirable que celle qui prévenoit les mauvais effets