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DE L’ESPRIT DES LOIS.


les biens de ceux-ci se régloient plutôt par la loi politique que par la loi civile, et qu’ils étoient le sort [1] d’une armée, et non le patrimoine d’une famille.

Les biens réservés pour les leudes furent appelés des biens fiscaux [2], des bénéfices, des honneurs, des fiefs, dans les divers auteurs et dans les divers temps.

On ne peut pas douter que d’abord les fiefs ne fussent amovibles [3]. On voit, dans Grégoire de Tours [4], que l’on ôte à Sunégisile et à Galloman tout ce qu’ils tenoient du fisc, et qu’on ne leur laisse que ce qu’ils avoient en propriété. Gontran, élevant au trône son neveu Childebert, eut une conférence secrète avec lui, et lui indiqua ceux [5] à qui il devoit donner des fiefs, et ceux à qui il devoit les ôter. Dans une formule de Marculfe [6], le roi donne en échange, non-seulement des bénéfices que son fisc tenoit, mais encore ceux qu’un autre avoit tenus. La loi des Lombards oppose les bénéfices à la propriété [7] . Les historiens, les formules, les codes des différents peuples barbares, tous les monuments qui nous restent, sont unanimes.

Enfin, ceux qui ont écrit le Livre des fiefs [8], nous apprennent que d’abord les seigneurs purent les ôter à leur volonté,

  1. C'est-à-dire le lot, la part.
  2. Fiscalia. Voyez la formule XIV de Marculfe, liv. I. Il est dit dans le vie de saint Maur, dédit fiscum unum ; et dans les Annales de Metz sur l'an 747, dédit illi comitatus et fiscos plurimos. Les biens destinés à l'entreticn de la famille royale étoient appelés regalia. (M.)
  3. Voyez le liv. I, tit. I, des fiefs ; et Cujas sur ce livre. (M.)
  4. Liv. IX, ch. XXXVIII. (M.)
  5. Quos honoraret munerihus, quos ab honore repelleret. Ibid., liv. VII. (M.)
  6. Vel reliquis qmibuscumque beneficiis, quodcumque ille, vel fiscus noster, in ipsis locis tenuisse noscitur. Liv. I, form. XXX. (M.)
  7. Liv. III, tit. VIII, S 3. (M.)
  8. Feudorum lib. I, tit. I. (M.)