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LETTRE AU P. B. J.


ce que l’usage d’épouser plusieurs femmes auroit quelque rapport au climat, s’ensuivroit-il absolument que « la loi de la polygamie fût une affaire de calcul », c’est-à-dire, une affaire dont on pût et dût rendre raison, par la supputation seule des personnes de l’un et de l’autre sexe qui naissent dans un pays ? Ne sait-on pas que d’autres causes ont influé dans cet usage ? Aux premiers temps, nécessité ou prétexte d’avancer la propagation du genre humain : dans la suite, religions fausses, qui accordent tout aux désirs sensuels : quelquefois, motifs de luxe et de vanité, comme chez les anciens seigneurs de Germanie, qui, au rapport de Tacite, se distinguoient du vulgaire par la multitude de leurs femmes : presque toujours, passion, mauvais exemple, éducation trop libre : voilà les causes qui ont autorisé, accrédité, maintenu la polygamie, et qui l’empêchent d’être simplement « une affaire de calcul ».

J’aurois encore à vous faire observer, mon Révérend Père, dans le même endroit de l’Esprit des Lois, le peu d’exactitude de cette proposition : « La pluralité des femmes, ou même la pluralité des hommes, est plus conforme à la nature dans certains pays, que dans d’autres. » Tous les maîtres de la morale enseignent que la pluralité des hommes pour une seule femme n’est nullement « conforme à la nature », parce qu’il ne peut en résulter aucun bien.

Mais passez avec moi, je vous prie, au chapitre XV de ce même livre XVI, où l’on trouve que la loi du Mexique qui défendoit, sous peine de la vie, à deux époux de se réunir après le divorce, étoit plus sensée que la loi des Maldives, qui permettoit à un mari de reprendre la femme qu’il avoit répudiée ; et voyez un peu la raison qu’en donne