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LETTRE AU P. B. J.


maintenir la loi du célibat. La preuve qu’elle ne s’est point « fatiguée », c’est qu’elle a toujours parlé avec vigueur sur cet article. Combien n’y a-t-il pas eu de décrets et d’ordonnances contre le relâchement des couvents ? La preuve qu’elle n’a point « fatigué la société » , c’est que tous les États qui sont demeurés attachés à l’Église, conservent inviolablement la même loi. A l’égard des peuples qui ont abandonné l’ancienne créance de leurs pères, ils étoient apparemment aussi fatigués des autres lois ecclésiastiques que de celle du célibat ; et qu’en faudroit-il conclure ? Que toutes les autres lois ecclésiastiques étoient de trop ? Qu’il auroit fallu s’en tenir aux simples conseils, pour la sanctification des fêtes, par exemple, pour les jeûnes et les abstinences ? Je ne crois pas que l’auteur voulût embrasser ces maximes.

Je remarque, mon Révérend Père, au Livre XXIV, chapitre X, un si grand éloge de Julien l’Apostat, que je ne crains presque pas les mauvais effets qu’il pourroit produire. S’il étoit plus modéré, je craindrois davantage. On fait, il est vrai, abstraction des vérités révélées et de l’apostasie de Julien ; mais ceci, mis une fois à quartier, on dit : « Non, il n’y a point eu après lui de prince plus digne de gouverner les hommes. » Quoi ! Théodose, Charlemagne, saint Louis, Édouard III, Charles le Sage, Louis XII, Charles-Quint, Louis XIV, et tant d’autres monarques de mémoire immortelle, n’étoient pas plus dignes de gouverner que cet empereur, le plus vain, le plus pédant, le plus bizarre de tous les hommes ? J’en appelle du jugement de l’auteur à saint Grégoire de Nazianze, à saint Jean Chrysostome, et aux ouvrages mêmes de Julien.

Je voudrois avoir l’éloquence des deux saints Pères que je viens de nommer, pour m’élever autant qu’il seroit néces-