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LETTRE AU P. B. J.


saire contre ces propositions du chapitre X du Livre XXV : « Ce sera une très-bonne loi civile, lorsque l’État est satisfait de la religion déjà établie, de ne point souffrir l’établissement d’une autre, » Et tout de suite : « Voici le principe fondamental des lois politiques en fait de religion. Quand on est le maître de recevoir dans un État une nouvelle religion ou de ne la pas recevoir, il ne faut pas l’y établir ; quand elle est établie, il faut la tolérer. » L’auteur a bien mis deux fois, pour préliminaire, qu’il n’est pas théologien ; mais sans avoir cette qualité, il doit convenir, il convient même en bien des endroits de son ouvrage, qu’il y a une véritable religion ; que cette véritable religion est la religion chrétienne ; que cette religion chrétienne seroit la plus propre de toutes à faire de bons citoyens. Cependant, suivant les maximes qu’on lit ici, jamais cette religion ne se seroit établie dans le monde. Les Juifs étoient contents de leur religion, quand Jésus-Christ leur annonça son Évangile. Les Romains, les Grecs, les Barbares se portoient pour être contents de leur religion, quand les apôtres et les hommes apostoliques les invitèrent à la foi. Ainsi c’eût été « une très-bonne loi civile » chez les Juifs, chez les Romains, chez les Grecs, chez les Barbares, de ne point souffrir l’établissement du christianisme. Et si l’auteur eût été appelé au conseil de l’empereur Constantin, il l’auroit bien détourné de protéger les chrétiens ; et aujourd’hui encore, si on lui demandoit son avis à la cour de Constantinople, du Mogol, de Siam, de la Chine, etc., touchant la loi de Jésus-Christ, il ne manqueroit pas de dire qu’il est de la bonne politique de ne lapas recevoir. Faites le même raisonnement pour la créance catholique. Selon les mêmes principes, jamais elle ne pourroit rentrer dans les États où elle a régné si longtemps. Quelles conséquences ! Je sou-