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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t6.djvu/128

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LETTRE AU P. B. J.


haite que l’auteur ne les ait point aperçues ; mais je ne puis croire qu’elles échappent à ses lecteurs ; et par cette raison j’ai dû en indiquer le danger.

Vous verrez bien aussi, mon Révérend Père, ce qu’on doit penser des maximes répandues dans le chapitre XII du Livre XXV, où il est question des lois pénales en matière de religion. L’auteur les condamne toutes absolument, et sans restriction ; puis il ajoute : « Il est plus sûr d’attaquer une religion par la faveur, par les commodités de la vie, par l’espérance de la fortune, non pas par ce qui avertit, mais par ce qui fait qu’on oublie ; non pas par ce qui indigne, mais par ce qui jette dans la tiédeur, lorsque d’autres passions agissent sur nos âmes, et que celles que la religion inspire sont dans le silence. » Comme ceci est dit en général, il n’y a pas de doute qu’on en puisse s’en servir aussi bien contre la vraie religion que contre les fausses ; et tel est le danger de tous ces principes purement politiques, qu’on fait entrer trop avant dans tout ce que l’homme doit croire et pratiquer pour son salut.

Ma dernière observation sera sur un endroit du Livre XXVI, chapitre IX, où l'Esprit des Lois désapprouve la conduite de Justinien, qui a mit parmi les causes de divorce le consentement du mari et de la femme d’entrer dans un monastère ». Voici la raison de l’auteur : « Il est naturel que des causes de divorce tirent leur origine de certains empêchements qu’on ne devoit pas prévoir avant le mariage ; mais ce désir de garder la chasteté pouvoit être prévu, puisqu’il est en nous. » Or, je le demande à toute personne intelligente : le désir de garder la chasteté ne peut-il pas aussi bien venir à des époux depuis leur mariage, que d’autres causes de divorce ? Et si ce désir