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DÉFENSE


n’est jamais au fait, et ne prend jamais le sens des passages qu’il censure. Il dit, au sujet des usures maritimes : « L’auteur ne voit rien que de juste dans les usures maritimes ; ce sont ses termes. » En vérité cet ouvrage de l'Esprit des Lois a un terrible interprète. L’auteur a traité des usures maritimes au chapitre XX du livre XXII ; il a donc dit, dans ce chapitre, que les usures maritimes étoient justes. Voyons-le.


DES USURES MARITIMES.


« La grandeur des usures maritimes est fondée sur deux choses : le péril de la mer, qui fait qu’on ne s’expose à prêter son argent que pour en avoir beaucoup davantage ; et la facilité que le commerce donne à l’emprunteur de faire promptement de grandes affaires, et en grand nombre : au lieu que les usures de terre, n’étant fondées sur aucune de ces deux raisons, sont ou proscrites par le législateur, ou, ce qui est plus sensé, réduites à de justes bornes. »

Je demande à tout homme sensé, si l’auteur vient de décider que les usures maritimes sont justes ; ou s’il a dit simplement que la grandeur des usures maritimes répugnoit moins à l’équité naturelle que la grandeur des usures de terre. Le critique ne connoît que les qualités positives et absolues ; il ne sait ce que c’est que ces termes plus ou moins. Si on lui disoit qu’un mulâtre est moins noir qu’un nègre, cela signifieroit selon lui qu’il est blanc comme de la neige : si on lui disoit qu’il est plus noir qu’un Européen, il croiroit encore qu’on veut dire qu’il est noir comme du charbon. Mais poursuivons.