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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Il y a dans l'Esprit des Lois, au livre XXII, quatre chapitres sur l’usure. Dans les deux premiers, qui sont le XIX, et celui qu’on vient de lire, l’auteur examine l’usure [1] dans le rapport qu’elle peut avoir avec le commerce chez les différentes nations et dans les divers gouvernements du monde ; ces deux chapitres ne s’appliquent qu’à cela : les deux suivants ne sont faits que pour expliquer les variations de l’usure chez les Romains. Mais voilà qu’on érige tout à coup l’auteur en casuiste, en canoniste et en théologien, uniquement par la raison que celui qui critique est casuiste, canoniste et théologien, ou deux des trois, ou un des trois, ou peut-être dans le fond aucun des trois. L’auteur sait qu’à regarder le prêt à intérêt dans son rapport avec la religion chrétienne, la matière a des distinctions et des limitations sans fin : il sait que les jurisconsultes et plusieurs tribunaux ne sont pas toujours d’accord avec les casuistes et les canonistes ; que les uns admettent de certaines limitations au principe général de n’exiger jamais d’intérêt, et que les autres en admettent de plus grandes. Quand toutes ces questions auroient appartenu à son sujet, ce qui n’est pas, comment auroit-il pu les traiter ? On a bien de la peine à savoir ce qu’on a beaucoup étudié, encore moins sait-on ce qu’on n’a étudié de sa vie ; mais les chapitres même que l’on emploie contre lui, prouvent assez qu’il n’est qu’historien et jurisconsulte. Lisons le chapitre XIX [2].

« L’argent est le signe des valeurs. Il est clair que celui qui a besoin de ce signe doit le louer, comme il fait toutes les choses dont il peut avoir besoin. Toute la diffé-

  1. Usure ou intérêt signifioit la même chose chez les Romains. (M.)
  2. Liv. XXII.