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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t6.djvu/207

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DE L’ESPRIT DES LOIS.


Remontoit-il aux sources ? il auroit trouvé là-dessus des textes clairs dans les livres de droit [1] ; il n’auroit point brouillé toutes les idées ; il eût distingué les temps et les occasions où l’usure onciaire signifioit un pour cent par mois, d’avec les temps et les occasions où elle signifioit un pour cent par an ; et il n’auroit pas pris le douzième de la centésime pour la centésime.

Lorsqu’il n’y avoit point de lois sur le taux de l’usure chez les Romains, l’usage le plus ordinaire étoit que les usuriers prenoient douze onces de cuivre sur cent onces qu’ils prêtoient ; c’est-à-dire, douze pour cent par an ; et, comme un as valoit douze onces de cuivre, les usuriers retiroient chaque année un as sur cent onces ; et, comme il falloit souvent compter l’usure par mois, l’usure de six mois fut appelée semis, ou la moitié de l’as ; l’usure de quatre mois fut appelée triens, ou le tiers de l’as ; l’usure pour trois mois fut appelée quadrans y ou le quart de l’as ; et enfin l’usure pour un mois fut appelée unciaria, ou le douzième de l’as ; de sorte que, comme on levoit une once chaque mois sur cent onces qu’on avoit prêtées, cette usure onciaire, ou d’un pour cent par mois, ou douze pour cent par an, fut appelée usure centésime. Le critique a eu connoissance de cette signification de l’usure centésime, et il l’a appliquée très-mal.

On voit que tout ceci n’étoit qu’une espèce de méthode, de formule ou de règle entre le débiteur et le créancier, pour compter leurs usures, dans la supposition que l’usure fût à douze pour cent par an, ce qui étoit l’usage le plus ordinaire ; et, si quelqu’un avoit prêté à dix-huit pour cent

  1. Argumentum legis 47, §. Prœfectus legionis, ff. de administ. et periculo tutoris. (M.)