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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t6.djvu/238

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RÉPONSE A LA DÉFENSE


censure. Nous avons loué l’auteur d’avoir réfuté Bayle qui fiétrissoit la religion. Mais il nous a paru bien étrange que le moment d’après il l’ait qualifié de grand homme. J’aurois pu, dit-il dans sa Défense, appeler Bayle un homme abominable ; mais je n’aime pas à dire des injures. Si vous êtes si réservé pour les termes que vous regardez comme injurieux, ne prodiguez pas ceux qui renferment des éloges. Dire de Bayle flétrissant la religion chrétienne : C’est un abominable : ce n’est pas une injure, c’est une vérité. Mais donner à Bayle la qualité de grand homme, dans le temps même qu’on le réfute comme flétrissant la religion, c’est au moins un éloge bien déplacé.

Nous nous sommes plaints d’un autre éloge, celui des stoïciens. L’auteur répond qu’il a loué la morale des stoïciens, et rien de plus ; mais jusqu’où a-t-il loué la morale de ces philosophes ? Après avoir dit que les diverses sectes de philosophie étoient chez les Anciens des espèces de religion, il ajoute : « Il n’y en a jamais eu dont les principes fussent plus dignes de l’homme, et plus propres à former des gens de bien que celle des stoïciens... Elle seule savoit faire les citoyens, elle seule faisoit les grands hommes : elle seule faisoit les grands empereurs... Il semblent que les stoïciens regardoient cet esprit sacré, qu’ils croyoient être en eux-mêmes, comme une espèce de Providence favorable, qui veilloit sur le genre humain. Nés pour la société, ils croyoient tous que leur destin étoit de travailler pour elle ; d’autant moins à charge, que leur récompense étoit toute dans eux-mêmes ; qu’heureux par leur philosophie, il sembloit que le seul bonheur des autres pût augmenter le leur. » Nous avons demandé si un éloge si outré d’une secte orgueilleuse et impie pouvoit partir de