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DE L’ESPRIT DES LOIS.


abomination paroît-elle si peu choquer les idées chrétiennes de l’auteur. Un disciple de Jésus-Christ doit-il être moins frappé qu’un disciple de Mahomet, d’une pareille prostitution ? L’auteur continue, et dit : « J’ai peine à croire qu’il y ait beaucoup de pays où la disproportion soit assez grande pour qu’elle exige qu’on y introduise la loi de plusieurs femmes ou la loi de plusieurs maris. Cela veut dire seulement que la pluralité des femmes, ou même la pluralité des hommes, est plus conforme à la nature dans certains pays que dans d’autres. » Donc s’il y a des pays où il naisse plus de garçons que de filles, cette disproportion exigera qu’on y introduise la loi de plusieurs maris. Nonobstant tout cela, l’auteur veut qu’on le trouve innocent. Il a fait, dit-il, un chapitre exprès, où il traite de la polygamie en elle-même, et où il la blâme. S’il blâme la polygamie, pourquoi dit-il que c’est une affaire de calcul ? Pourquoi dit-il que la pluralité des maris est plus conforme à la nature dans certains pays que dans d’autres ? Pour que l’on put dire de la pluralité des maris, qu’elle est plus conforme à la nature dans certains pays que dans d’autres, il faudroit qu’il y eut des cas où cette monstrueuse polygamie put être conforme à la nature ; mais il n’y en a point. Loin d’être conforme à la nature, elle en sera toujours le déshonneur ; et ce sera toujours par un oubli des premières lois de la nature, qu’il se trouvera des peuples assez grossiers pour introduire chez eux une aussi honteuse prostitution. L’auteur l’a blâmée dans un endroit de son livre, et nous l’accusions de ne l’avoir pas fait. Sur cet article il a raison de se plaindre. Voici de quelle manière la chose est arrivée. Un ami qu’on avoit prié de lire la feuille avant d’être imprimée, mit en note que « la polygamie d’une femme