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DE L’ESPRIT DES LOIS.


qu’il n’est point inspiré, et nous devons l’en croire sur sa parole. Nous pouvons donc l’envisager, dans ce cas particulier, comme un homme, comme un philosophe, comme un casuiste. Homme, il est faillible ; philosophe, il fait un système arbitraire ; casuiste, il est mystique, et donne dans les raffinements de la dévotion.

Saint Paul se tromper ! saint Paul donner un mauvais conseil ! eh ! oui ; cela n’est pas vraisemblable, cela est pourtant vrai : prouvons-le.

« Je voudrois, dit-il, que tous les hommes fussent dans l’état où je suis moi-même, » c’est-à-dire vierges, si je ne me trompe.

Mais 1° c’est faire un souhait impossible ; car c’est souhaiter que les hommes fussent hommes et ne le fussent pourtant plus ; 2° un souhait contraire aux vues de la Providence, qui a voulu se servir de l’attrait du plaisir pour perpétuer le genre humain ; 3° un souhait criminel, parce qu’il ne nous est pas permis de nous opposer à l’existence des êtres sur qui nous n’avons aucun droit ; 4° un souhait dangereux ; car supposez-le accompli ; supposez que tous les hommes se vouent au célibat, c’en est fait, cette génération est la dernière : le monde finit avec elle.

« Celui qui n’est point marié s’occupe du soin des choses du Seigneur... mais celui qui est marié s’occupe du soin des choses du monde, et ainsi il est partagé. »

Oui, il se trouve partagé, et il doit l’être. Il est fait pour agir et non pour contempler ; né pour la société, homme avant que d’être chrétien, il doit travailler au bien du Tout, dont il fait partie. Son travail, suivant l’apôtre même, vaut une prière. C’est en se partageant entre ses besoins animaux et ses devoirs religieux, entre sa famille et son créateur, qu’il remplit sa destinée : c’est en rap-