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SUITE DE LA DÉFENSE


chrétien ; pourquoi les athées ne trouveroient-ils pas leur mécanisme total dans un livre dont tout le système porte sur des principes diamétralement contraires au fatalisme ?

« Mais, disent-ils, quand on veut s’éloigner des athées, il faut leur couper tous les chemins qui pourroient les rapprocher de nous. »

Et je dis, moi, que quand on veut convertir un athée, il faut nous fermer tous les chemins qui peuvent nous éloigner de lui ; il faut lui ouvrir tous les chemins qui peuvent le rapprocher de nous, c’est-à-dire, être aussi prudent que charitable.

Les critiques lui font son procès sur ce qu’il a dit que a la loi qui, en imprimant dans nous-mêmes l’idée d’un créateur, nous porte vers lui, est la première des lois naturelles par son importance, et non pas dans l’ordre de ces lois » ; comme si l’homme n’avoit pas des sentiments avant que d’avoir des idées nettes ; comme s’il ne désiroit pas avant que de raisonner ; comme s’il n’étoit pas naturel de pourvoir à la conservation de son être, avant que de penser religion ; comme si l’amour de nous-mêmes n’étoit pas antérieur à tout autre amour.

En vain diront-ils : « Ces sentiments sont puisés dans les ténèbres d’une raison corrompue par le péché. » On leur répondra que, pourvu qu’ils soient puisés dans la droite raison, ils sont avoués de Dieu et conformes à l’Évangile ; on leur répondra qu’on ne sait aujourd’hui ce que c’est qu’une raison corrompue par le péché, et que la raison humaine ne peut être corrompue que par le préjugé, l'ignorance et l’esprit de parti ; on leur répondra que, s’il est vrai, comme ils l’assurent, que messieurs de la religion naturelle puisent leur code dans la raison, ils