M. de M... doit avoir été surpris d’être accusé d’être anti-républicain, lui qui a fait de si magnifiques éloges de la liberté, lui qui a dit : « Les lois en Angleterre n’étant pas faites pour un particulier plutôt que pour un autre, chacun doit se regarder comme un monarque : aucun citoyen ne craignant aucun citoyen, cette nation doit être fière : car la fierté des rois n’est fondée que sur leur indépendance [1], » lui qui en a une idée si avantageuse, qu’il prétend, que dans les républiques les hommes sont tout, et que dans les États despotiques ils ne sont rien.
« Le culte un pur consentement ! » Quand on accuse un homme indifférentisme, il ne faut pas des preuve légères ; je n’ai point trouvé ces preuves dans l'Esprit des Lois : j’y ai vu le pyrrhonien réfuté, l’impie confondu, la religion défendue. « Le culte est un consentement » : ces paroles,
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Une dame Angloise lisant cet endroit : « Voilà, s’écria-t-elle, un François que j’aime ; je suis sûre qu’il nous estime. Il nous représente comme
un peuple de rois. » Elle fit là-dessus cette épigramme, qui est sur un
autre ton :
Un étranger, docte auteur, fin matois,
Et qui son trait bien visé tous desserre,
Parlant de nous, bonnes gens d’Angleterre,
Nous a dépeints comme un peuple de rois :
Le compliment est tout des plus courtois,
Et fait de nous une gent fort gentille !
Car qui dit rois dit d’aimables outils !
Et qui pourrait en peupler quelque Antille
Feroit sans doute un lieu des plus gentils.L'Esprit des Lois a reçu dans la Grande-Bretagne l’accueil le plus distingué ; on en a fait plusieurs éditions ; celle de Glascow est très-belle. Il a été cité à la Chambre haute. L’estime des Anglois est d’autant plus flatteuse, qu’ils n’en sont pas prodigues, surtout envers les François. Une Angloise m’écrivoit l’été dernier : « Les papiers publics nous apprennent qu’on déchire M... en France. Que n’a-t-il écrit ici ? On lui eût érigé une statue. » Cet ouvrage a été si goûté dans le Nord, que vraisemblablement il y deviendra un livre classique, et que, dans les universités où l’on explique Grotius à la jeunesse, on expliquera un jour M... (La B.)