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ÉLOGE

passer par Madrid. M. le maréchal de Berwick lui envoya courrier sur courrier pour lui dire qu’il seroit bientôt forcé à livrer la bataille ; M. le duc d’Orléans se mit en chemin, vola, et n’arriva pas. Il y eut assez de courtisans qui voulurent persuader à ce prince que le maréchal de Berwick avoit été ravi de donner la bataille sans lui, et de lui en ravir la gloire ; mais M. le duc d’Orléans connaissoit[1] qu’il avoit une justice à rendre, et c’est une chose qu’il savoit très-bien faire ; il ne se plaignit que de son malheur.

M. le duc d’Orléans, désespéré, désolé de retourner sans avoir rien fait, propose le siège de Lérida. M. le maréchal de Berwick, qui n’en étoit point du tout d’avis, exposa à M. le duc d’Orléans ses raisons avec force ; il proposa même de consulter la cour. Le siège de Lérida fut résolu. Dès ce moment M. le duc de Berwick ne vit plus d’obstacles : il savoit que, si la prudence est la première de toutes les vertus avant que d’entreprendre, elle n’est que la seconde après que l’on a entrepris. Peut-être que s’il eût lui-même résolu ce siège, il auroit moins craint de le lever[2]. M. le duc d’Orléans finit la campagne avec gloire. Et ce qui auroit infailliblement brouillé deux hommes communs ne fit qu’unir ces deux-ci ; et je me souviens d’avoir entendu dire au maréchal que l’origine de la faveur qu’il avoit eue auprès de M. le duc d’Orléans étoit la campagne de 1707.

En 1708 M. le maréchal de Berwick, d’abord destiné à commander l’armée du Dauphiné, fut envoyé sur le Rhin pour commander sous l’électeur de Bavière. Il avoit fait tomber un projet de M. de Chamillard, dont l’incapacité consistoit

  1. var. M. le duc d’Orléans savoit, qu’il avoit une justice à rendre.
  2. var. S’il avoit imaginé ce siège, peut-être eut-il moins craint de le lever.