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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/126

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ÉLOGE

James. Cela me donnera lieu de parler de l’homme privé[1], et de donner, le plus courtement que je pourrai, son caractère.

Il n’a guère obtenu de grâces sur lesquelles il n’ait été prévenu. Quand il s’agissoit de ses intérêts, il falloit tout lui dire… Son air froid, un peu sec, et même quelquefois un peu sévère, faisoit que quelquefois il auroit semblé un peu déplacé dans notre nation, si les grandes âmes et le mérite personnel avoient un pays.

Il ne savoit jamais dire de ces choses qu’on appelle de jolies choses.

Il étoit surtout exempt de ces fautes sans nombre que commettent continuellement ceux qui s’aiment trop eux-mêmes.

Il prenoit presque toujours son parti de lui-même : s’il n’avoit pas trop bonne opinion de lui, il n’avoit pas non plus de méfiance ; il se regardoit, il se connoissoit, avec le même bon sens qu’il voyoit toutes les autres choses. Jamais personne n’a su mieux éviter les excès, ou, si j’ose me servir de ce terme, les pièges des vertus : par exemple, il aimoit les ecclésiastiques ; il s’accommodoit assez de la modestie de leur état ; il ne pouvoit souffrir d’en être gouverné, surtout s’ils passoient dans la moindre chose la ligne de leurs devoirs : il exigeoit plus d’eux qu’ils n’auroient exigé de lui.

Il étoit impossible de h voir et de ne pas aimer la vertu ; tant on voyoit de tranquillité et de félicité dans son âme, surtout quand on la comparoit aux passions qui agitoient ses semblables… J’ai vu de loin, dans les livres ds Plutarque, ce qu’étoient les grands hommes ; j’ai vu en lui de

  1. var. C’est là que nous allions voir l’homme privé.