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PENSÉES DIVERSES.

des anciens : j’ai admiré plusieurs critiques faites contre eux, mais j’ai toujours admiré les anciens. J’ai étudié mon goût, et j’ai examiné si ce n’était point un de ces goûts malades sur lesquels on ne doit faire aucun fond ; mais plus j’ai examiné, plus j’ai senti que j’avais raison d’avoir senti comme j’ai senti.

Les livres anciens sont pour les auteurs, les nouveaux pour les lecteurs.

Plutarque me charme toujours : il y a des circonstances attachées aux personnes, qui font grand plaisir.

Qu’Aristote ait été précepteur d’Alexandre, ou que Platon ait été à la cour de Syracuse, cela n’est rien pour leur gloire : la réputation de leur philosophie a absorbé tout.

Cicéron, selon moi, est un des plus grands esprits qui aient jamais été : l’âme toujours belle lorsqu’elle n’était pas faible.

Deux chefs-d’œuvre : la mort de César dans Plutarque, et celle de Néron dans Suétone. Dans l’une, on commence par avoir pitié des conjurés qu’on voit en péril, et ensuite de César qu’on voit assassiné. Dans celle de Néron, on est étonné de le voir obligé par degrés de se tuer, sans aucune cause qui l’y contraigne, et cependant de façon à ne pouvoir l’éviter.

Virgile, inférieur à Homère par la grandeur et la variété des caractères, par l’invention admirable, l’égale par la beauté de la poésie.

Belle parole de Sénèque : Sic prœsentibus utaris voluptatibus, ut futuris non noceas.

La même erreur des Grecs inondait toute leur philosophie : mauvaise physique, mauvaise morale, mauvaise métaphysique. C’est qu’ils ne sentaient pas la différence qu’il y a entre les qualités positives et les qualités relatives. Comme Aristote s’est trompé avec son sec, son humide, son chaud,