Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
166
PENSÉES DIVERSES.

de la justice, de la politique, de la dévotion, et l’air d’un grand roi. Doux avec ses domestiques, libéral avec ses courtisans, avide avec ses peuples, inquiet avec ses ennemis, despotique dans sa famille, roi dans sa cour, dur dans ses Conseils, enfant dans celui de conscience, dupe de tout ce qui joue le prince : les ministres, les femmes et les dévots ; toujours gouvernant, et toujours gouverné ; malheureux dans ses choix, aimant les sots, souffrant les talents, craignant l’esprit ; sérieux dans ses amours, et, dans son dernier attachement, faible à faire pitié ; aucune force d’esprit dans les succès ; de la sécurité dans les revers, du courage dans sa mort. Il aima la gloire et la religion, et on l’empêcha toute sa vie de connaitre ni l’une ni l’autre. Il n’aurait eu presque aucun de ces défauts, s’il avait été un peu mieux élevé, et s’il avait eu un peu plus d’esprit. Il avait l’âme plus grande que l’esprit. Mme  de Maintenon abaissait sans cesse cette âme pour la mettre à son point.

Les plus méchants citoyens de France furent Richelieu et Louvois. J’en nommerais un troisième[1] ; mais épargnons-le dans sa disgrâce.


DE LA RELIGION.


Dieu est comme ce monarque qui a plusieurs nations dans son empire ; elles viennent toutes lui porter un tribut, et chacune lui parle sa langue, religion diverse.

Quand l’immortalité de l’âme serait une erreur, je serais fâché de ne pas la croire[2] : j’avoue que je ne suis

  1. M. de Maurepas. (Note des Œuvres posthumes.)
  2. La Place a lu : de ne pas y croire… Pièces intéressantes, etc. T. V. page 57.