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ACADÉMIQUES.

travaux étonnèrent la postérité, qui les compara a ceux des héros les plus infatigables.

Il semble que la fable nous représentoit la vérité sous le symbole de ce Protée qui se cachoit sous mille figures et sous mille apparences trompeuses[1].

Il faut la chercher dans l’obscurité même dont elle se couvre, il faut la prendre, il faut l’embrasser, il faut la saisir[2].

Mais, messieurs, qu’il y a de difficultés dans cette recherche ! car enfin ce n’est pas assez pour nous de donner une vérité, il faut qu’elle soit nouvelle : nous faisons peu de cas de ces fleurs que le temps a fanées ; nous mépriserions parmi nous un Patrocle qui viendroit se couvrir des armes d’Achille ; nous rougirions de redire toujours ce que tant d’autres auroient dit avant nous, comme ces vains échos que l’on entend dans les campagnes ; nous aurions honte de porter à l’académie les observations des autres, semblables à ces fleuves qui portent à la mer tant d’eaux qui ne viennent pas de leurs sources. Cependant les découvertes sont devenues bien rares ; il semble qu’il y ait une espèce d’épuisement et dans les observations et dans les observateurs. On diroit que la nature a fait comme ces vierges qui conservent longtemps ce qu’elles ont de plus précieux, et se laissent ravir en un moment ce même trésor qu’elles ont conservé avec tant de soin et défendu avec tant de constance. Après

  1. Omnia transformat sese in miracula rerum,
    Ignemque, horribilemque foram, fluviumque liquentum

    Virg. Georg., IV, v. 441-442.
  2. Sed quanto ille magis formas se vertet in omnes,
    Tanto, nate, magis contende tenacia vincle.

    Virge siècle. Georg., IV, v. 411-412.