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LETTRES FAMILIÈRES.



LETTRE XXVII.


A M. L’ABBÉ MARQUIS NICCOLINI.


A FLORENCE.


J’ai reçu, cher et illustre Abbé[1], avec une véritable joie, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Vous êtes un de ces hommes que l’on n’oublie point, et qui frappez une cervelle de votre souvenir. Mon cœur, mon esprit sont tout à vous, mon cher Abbé.

Vous m’apprenez deux choses bien agréables : l’une, que nous verrons monseigneur Cerati en France ; l’autre que madame la marquise Ferroni se souvient encore de moi. Je vous prie de cimenter auprès de l’un et de l’autre cette amitié que je voudrois tant mériter. Une des choses dont je prétends me vanter, c’est que moi, habitant d’au-delà des Alpes, aie été aussi enchanté d’elle[2] que vous tous.

Je suis à Bordeaux depuis un mois, et j’y dois rester

  1. L’abbé marquis de Nicolini, un des plus chers et des plus illustres amis que l’auteur ait eus en Italie, se lia avec lui à Florence. Après avoir demeuré longtemps à Rome sous le pontificat du pape Corsini (Clément XII), dont il étoit parent, il s’est retiré dans sa patrie, uniquement occupé des lettres, de la philosophie et des vues du bien public. Il a voyagé dans les pays étrangers, et y a été lié avec les plus grands hommes. Lorsque sous le ministère lorrain, dont il était médiocre admirateur, il eut ordre de ne point rentrer en Toscane, M. de Montesquieu s’écria, en apprenant cette nouvelle : « Oh ! il faut que mon ami Niccolini ait dit quelque grande vérité. » (Guasco.)
  2. C’étoit la dame de Florence qui brilloit le plus par son esprit et sa beauté. La meilleure société s’assembloit chez elle. L’auteur lui fut fort attaché pendant son séjour à Florence. A mon passage dans cette ville elle vivoit encore, mais dans un état d’infirmité. (G.)