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ACADÉMIQUES.

vont, sans se détourner, de la bouche de celui qui parle, à l’oreille de celui qui entend ; il suffit que l’air soit pressé par le ressort du corps sonore, pour que celte action se communique.

Que si, considérant le son par rapport à la vitesse, on demande à tous ces philosophies pourquoi il va toujours également vite, soit qu’il soit grand, soit qu’il soit foible ; et pourquoi un canon qui est à cent soixante et onze toises de nous, demeurant une seconde à se faire entendre, tout autre bruit, quelque foible qu’il soit, ne va pas moins vite ; on trouvera le moyen de se faire respecter, et on les obligera, ou à avouer qu’ils en ignorent la raison, ou du moins on les réduira à entrer dans de grands raisonnements, ce qui est précisément la même chose.

Que si l’on entre plus avant en matière, et qu’on vienne à les interroger sur la cause de l’écho, le vulgaire répondra d’abord que la réflexion suffit ; et on verra d’un autre côté un seul homme qui répond qu’elle ne suffit pas. Peut-être goûtera-t-on ses raisons, surtout si on peut se défaire de ce préjugé, un contre tous.

Or, de ceux qui n’admettent que la réflexion seule, les uns diront que toutes sortes de réflexions produisent des échos, et en admettront autant que de sons réfléchis. Les murailles d’une chambre, disent-ils, feroient entendre un écho, si elles n’étoient trop proches de nous, et ne nous envoyoient le son réfléchi dans le même instant que notre oreille est frappée par le son direct. Selon eux, tout est rempli d’écho : Jovis omnia plena[1]. Vous diriez que comme Héraclite, ils admettent un concert et une harmonie dans l’univers, qu’une longue habitude nous dérobe ; d’autant

  1. Virg., Egl., III, 60.