J’ai reçu, Monsieur mon illustre ami, étant à Paris, la lettre que je dois à votre amitié. Vous ne me parlez pas de votre santé, et je voudrois en avoir pour garant quelque chose de mieux que des preuves négatives. Vous avez mis dans votre lettre un article que j’ai relu bien des fois, qui est que vous désireriez venir passer deux ans à Paris, et que vous pourriez de-là aller jusqu’à Bordeaux : voilà des idées bien agréables ; et moi je forme le projet d’aller quelque jour à Pise, pour corriger chez vous mon ouvrage ; car qui pourroit le faire mieux que vous, et où pourrois-je trouver des jugements plus sains ? La guerre m’a tellement incommodé, que j’ai été obligé de passer trois ans et demi dans mes terres ; de là je suis venu à Paris ; et si la guerre continue, j’irai me remettre dans ma coquille jusqu’à la paix. Il me semble que tous les princes de l’Europe demandent cette paix : ils sont donc pacifiques ? non, car il n’y a de princes pacifiques que ceux qui font des sacrifices pour avoir la paix, comme il n’y a d’homme généreux que celui qui cède de ses intérêts, ni d’homme charitable que celui qui sait donner : discuter ses intérêts avec une très-grande rigidité, est l’éponge de toutes les vertus. Vous ne me parlez pas de vos yeux ; les miens sont précisément dans la situation où vous les avez laissés. Enfin j’ai découvert qu’une cataracte s’est formée sur le bon œil ; et mon Fabius Maximus M. Gendron, médit qu’elle est de bonne qualité, et qu’on ouvrira le volet de la fenêtre. J’ai remis cette opé-