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LETTRES FAMILIÈRES.


Les Réflexions jointes à cette lettre sont ainsi conçues :

« L'auteur du livre intitulé l'Esprit des Lois a fait cet ouvrage dans la seule vue d’exposer quelques idées purement politiques sur les différentes lois des gouvernements anciens et présents.

« Le public paroît avoir applaudi à ce projet digne d’un bon citoyen, dont le but étoit l’utilité publique, et il y a déjà eu vingt-deux éditions de ce livre.

« Cependant quelques personnes, donnant des sens détournés et forcés à quelques-unes de ses expressions, ont prétendu y trouver des principes dangereux sur la religion. Cette matière est au-dessus des lumières de l’auteur, qui n’a ni dû, ni prétendu la traiter.

« Il a travaillé à un ouvrage [1] où il se justifie pleinement de ces imputations, et montre qu'elles viennent de ce qu’on n’a pas entendu sa pensée, ou qu’on donne à ses paroles un sens tout autre que le naturel. Cependant, quoiqu’il y ait lieu d’espérer que cet ouvrage, qui doit avoir paru à Paris depuis quelques jours, dissipera jusqu’aux moindres nuages qu’on voudroit élever sur ses sentiments, comme il veut éviter même de scandaliser les simples, il supprimera et expliquera, dans une nouvelle édition qu’il ne tardera pas à donner [2], les endroits qu’on s’est efforcé de rendre suspects par une interprétation sinistre. Dans ces circonstances, il se flatte que, si la congrégation de l'Index vouloit faire examiner son livre, elle attendroit au moins, pour porter un jugement, qu’elle eût vu les réponses de l’auteur et la nouvelle édition, et qu’elle daigneroit faire attention qu’il ne s’agit point d’un ouvrage de doctrine et de théologie, mais d’un traité de politique, dont la matière est absolument étrangère aux matières de doctrine et de dogme.

« L’auteur, digne de considération par sa naissance et par la charge de président à mortier dont il est décoré, a mérité en Italie et à Rome, lorsqu’il y est venu, l’estime et l’amitié de tous

  1. La Défense de l’Esprit, des Lois.
  2. Cette édition n’a pas paru du vivant de l’auteur. Mais si l’on veut comparer le texte primitif avec celui de l’édition de 1758, on verra, en effet, que Montesquieu a essaye d’adoucir un certain nombre de passages concernant la religion.