Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/473

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
455
LETTRES FAMILIÈRES.


pice. — « Comment dites-vous cela, interrompi-il, recommencez ». Il se fâcha de ce qu’on n’avoit pas laissé entrer le curé, et ordonna à chacun de ses gens en particulier de laisser entrer M. le curé à quelque heure qu’il vint.

Le curé y est allé ce matin [1] vers les huit heures. Le curé lui a décoché en patelin son compliment. Le Président a répondu que son intention étoit de faire tout ce qui convenoit à un honnête homme dans la situation où il se trouvoit. Le curé lui a demandé s’il avoit dans Paris quelque homme de confiance dont il voulût se servir. Le Président a répondu que dans ces sortes de choses il n’y avoit personne en qui il eût jamais eu plus de confiance qu’en son curé ; que, cependant, puisqu’il lui laissoit sa liberté, il y avoit une personne à Paris en qui il se confioit beaucoup, qu’il l’enverroit chercher, et qu’il feroit demander le saint-sacrement après qu’il se seroit confessé.

Le curé s’est retiré, et le Président a envoyé chercher, — qui croiriez-vous ? — le Père Castel, jésuite, qui est arrivé avec son second. « Père Castel, lui a dit le Président, en l’embrassant, je m’en vais devant. » Après quoi le Père Castel a laissé le Président seul avec le jésuite.

Il s’est confessé, et M. le curé de Saint-Sulpice lui a porté le bon Dieu vers les trois heures. Le curé tenant l’hostie entre les mains, lui a demandé : « Croyez-vous que c’est là votre Dieu ? » — « Oui, oui, a répondu le Président, je le crois, je le crois. » « — Faites-lui donc un acte d’adoration. » — Il s’est assis sur son lit, a tiré son bonnet ; — « Faites un acte d’adoration, » a dit le curé. — Alors le Président a levé vers les cieux ses regards et la

  1. Montesquieu est mort le 10 février 1755 : la lettre de Mme Depré de Saint-Maur est, suivant tout apparence, du 7 ou du 8.