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LETTRES FAMILIÈRES.


main droite dont il tenoit son bonnet ; il a communié. Après quoi, le bon Dieu, le curé et les jésuites sont revenus très-contents, chacun chez eux. Quant au Père Castel, il ne se sent pas de joie. Il croit avoir plus fait que François Xavier, qui prétendoit avoir converti douze mille hommes dans une île déserte [1].

  1. Pour en finir avec ces détails sur la mort de Montesquieu je citerai en note le récit suivant, publié en 1794 dans les Œuvres posthumes ; je dois faire remarquer qu’à quarante ans de distance, d’Arcet, précepteur du fils de Montesquieu, ne pouvoit pas avoir des souvenirs aussi présents que la duchesse d’Aiguillon, ou Mme Dupré de Saint-Maur, quand elles écrivaient.

    « Le citoyen d’Arcet, qui assista aux derniers moments de la vie de Montesquieu, avec Mme d’Aiguillon, sa courageuse amie, M. de Fitz-James, fils du maréchal de Berwick, M. Dupré de Saint-Maur, et M. de Nivernois, nous a confirmé qu’il avoit été excédé par les jésuites. Le célèbre P. Castel avoit été adjoint au P. Routh. « Tâchez, dit Montesquieu à M. d’Arcet, de me débarrasser de ces moines ; il faudroit pour leur plaire, faire leur volonté, et je suis accoutumé à ne faire que la mienne. »

    Avant de donner le viatique au malade, le curé de Saint-Sulpice, se tournant vers le confesseur, lui demanda « si le malade avoit satisfait ». — « Oui , lui répondit le P. Routh, comme un grand homme. » — Le curé lui dit alors : « Monsieur, vous comprenez mieux qu’un autre combien Dieu est grand. » — « Oui, Monsieur, reprit Montesquieu, et combien les hommes sont petits. »

    En effet, les jésuites s’étoient conduits dans sa maison avec un grand scandale ; pendant les jours qu’ils y passèrent, ils firent des orgies indécentes, dont le médecin Bouvard témoigna son indignation. »

    (Note transmise aux éditeurs [des Œuvres posthumes] par le citoyen d’Arcet.)

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