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A PAPHOS.

Il est vrai que les traits de l’Amour peuvent seuls rendre un cœur sensible, répondit Zélide ; mais pour le rendre heureux, il faut que le trait parte de ses mains, et je vais vous apprendre qu’il ne les lance pas tous.

Peu de temps après la naissance de Vénus, une troupe d’Amours s’écarta dans les bois de Cinthe. Diane n’avait pas encore ouvertement déclaré la guerre à la Déesse des plaisirs, et la Déesse, qui ne savait pas alors se méfier des prudes, ne recommandait point aux Amours de fuir les forêts consacrées à Diane.

La troupe d’Amours, dans les bras de Morphée, se délassait de l’exercice d’une longue journée, où, à l’envi l’un de l’autre, ils avaient essayé sur les oiseaux des traits destinés à être lancés dans les cœurs des humains. Leurs carquois, pêle-mêle, étaient couchés près d’eux, et les arcs sans force étaient détendus. Les oiseaux amoureux, sur les tons les plus tendres, célébraient leurs plaisirs. Diane, attirée par un concert si charmant, fit taire ses cors, et courut sous l’ombrage où le sommeil se plaisait à délasser les Amours.

« Que vois-je ? dit-elle à ses nymphes, quelle occasion d’outrager la Déesse de Paphos, diminuons sa puissance, désarmons les Amours endormis. »

Chaque nymphe s’empresse à plaire à sa Déesse, et, vidant son carquois, le remplit bientôt des traits de l’Amour. S’il en est quelqu’une qui sente de la répugnance à se déclarer contre Vénus, c’est celle qui pour la cacher en montre plus d’envie. Diane sonne sa victoire ; les Amours se réveillent ; honteux de leur défaite, ils pleurent et volent à Cythère.

Les Silvains d’alentour apprirent bientôt que Diane avait changé ses traits. « Saisissons-les à notre tour, dirent-ils