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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/99

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ACADÉMIQUES.

qu’un autre ; mais la postérité nous rendra justice, et paiera les dettes de la génération présente.

On pardonne au négociant riche par le retour de ses vaisseaux, de rire de l’inutilité de celui qui l’a conduit comme par la main dans des mers immenses. On consent qu’un guerrier orgueilleux, chargé d’honneurs et de titres, méprise les Archimèdes de nos jours, qui ont mis son courage en œuvre. Les hommes qui, de dessein formé, sont utiles à la société, les gens qui l’aiment, veulent bien être traités comme s’ils lui étoient à charge.

Après avoir parlé des sciences, nous dirons un mot des belles-lettres. Les livres de pur esprit, comme ceux de poésie et d’éloquence, ont au moins des utilités générales ; et ces sortes d’avantages sont souvent plus grands que des avantages particuliers.

Nous apprenons dans les livres de pur esprit l’art d’écrire, l’art de rendre nos idées, de les exprimer noblement, vivement, avec force, avec grâce, avec ordre et avec cette variété qui délasse l’esprit.

Il n’y a personne qui n’ait vu en sa vie des gens qui, appliqués à leur art, auroient pu le pousser très-loin, mais qui, faute d’éducation, incapables également de rendre une idée et de la suivre, perdoient tout l’avantage de leurs travaux et de leurs talents.

Les sciences se touchent les unes les autres ; les plus abstraites aboutissent à celles qui le sont moins, et le corps des sciences tient tout entier aux belles-lettres. Or, les sciences gagnent beaucoup à être traitées d’une manière ingénieuse et délicate ; c’est par là qu’on en ôte la sécheresse, qu’on prévient la lassitude, et qu’on les met à la portée de tous les esprits. Si le Père Malebranche avoit été un écrivain moins enchanteur, sa philosophie seroit restée