Aller au contenu

Page:Montesquieu - Considérations, éd. Barckhausen, 1900.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auraient-ils pris le temps et la peine de comprendre, avant de l’apprécier, l’écrit d’un auteur qui exprime ses pensées plutôt qu’il ne les expose ? Leur affaire était de gagner « quelques pièces de vingt et quatre sols[1] ». De là, bien des jugements hâtifs, superficiels ou ineptes.

Montesquieu s’en émut très vivement, même plus qu’il n’aurait dû. Susceptible, comme tout artiste, il se promit de mettre en tête de son ouvrage une épigraphe vengeresse et l’inscrivit sur le registre des Corrections[2]. Mais, en sage qu’il était, il l’y laissa, quand les éditions nouvelles parurent. Sa rancune était apaisée. Le succès du livre auprès du public compétent l’avait, d’ailleurs, consolé des injustices de la critique.

Nous serions disposé à croire que ce fut à propos des Considérations qu’il consigna, au tome II, folio 16, de ses Pensées (manuscrites), la réflexion suivante :

« Le succès de ce livre a pleinement rempli mon ambition, puisque toutes les critiques que l’on a faites, après un mois de vie ou d’engourdissement, sont ensevelies dans la nuit éternelle du Mercure, avec les énigmes et les relations des gazetiers :

« Hoc miseræ plebi stabat commune sepulchrum. »

Mais l’auteur des Considérations était trop modeste pour se croire infaillible. Tout en s’irritant des censures niaises ou perfides, il écoutait fort docilement les objections sérieuses. On sait que lui-même épluchait passionnément ses ouvrages.

Il se mit donc à revoir, ligne par ligne, le volume qu’il venait de publier et nota, sur le registre que nous décrivions tout à l’heure, les corrections qu’il comptait introduire dans les réimpressions prochaines de la Grandeur des Romains. Ce premier travail lui servit plus tard, lorsqu’il prépara l’édition de 1748. Toutefois, un certain nombre des amendements qu’il se proposait de faire en 1734 ou 1735 ne furent pas retenus dans le texte définitif du livre.

Parmi ces changements qu’il ne réalisa point, les plus curieux sont relatifs à la coupe et au nombre des chapitres. Ils devaient résulter d’un remaniement de quelques parties des Considérations. Montesquieu songea, en effet, à fondre dans ce traité, plus ou moins complètement, les paragraphes i, ii, iii, iv, vi, vii, viii

  1. Pensées, tome III, folio 342.
  2. Diverses Corrections, page 3. Cette épigraphe se composait d’un vers et d’un demi-vers empruntés à la 10e satire du Ier livre des Satires d’Horace : Men’ moveat cimex Pantilius ? aut crucier quod Vellicet absentem ?