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Page:Montesquieu - Considérations, éd. Barckhausen, 1900.djvu/18

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et xii de l’opuscule qu’il avait rédigé naguère sur la Monarchie universelle en Europe[1]. Il eût, de la sorte, accentué le sens politique de son œuvre. Mais il en eût, en revanche, compromis l’unité et le caractère si original.

Du reste, pendant treize à quatorze ans, il laissa publier des éditions successives de ses Romains absolument conformes à l’édition princeps en son troisième état. Sa pensée était ailleurs. Il avait entrepris et voulait terminer l’Esprit des Lois, où il comptait présenter le tableau de ses idées politiques et sociales.

Ce ne fut que lorsqu’il eut achevé ce monument de son génie qu’il se remit aux Considérations, pour en arrêter sans retour le fond et la forme.

L’édition de 1748, fruit de cette revision suprême, se distingue des précédentes par des corrections de style et surtout par des rectifications, qui visent les idées comme les faits. Un certain nombre de notes y sont reportées dans le corps du texte, dont plusieurs alinéas sont également transposés. On y relève en quelques endroits des références additionnelles et même des développements nouveaux.

Ces divers remaniements ont eu pour effet d’allonger l’ouvrage de vingt et une pages, sans compter l’Index, qu’on y adjoignit alors, pour la commodité des lecteurs.

L’édition ainsi « revue, corrigée et augmentée » fut reproduite à plusieurs reprises, presque lettre pour lettre, du vivant de Montesquieu, notamment à Lausanne, en 1749, et à Édimbourg, en 1751. Elle servit aussi de modèle pour la réimpression qui parut avec la mention : « A Paris, chez Guillyn…, 1755 ». Mais, à la même date et dans la même ville, fut publiée, chez Siméon-Prosper Hardy, une autre édition qui diffère assez de celle de 1748.

Nous ne saurions qu’approuver les corrections de fautes d’orthographe qu’on y a faites ; mais les autres changements nous paraissent discutables et purement, arbitraires. A quoi bon modifier la rédaction de certains passages qu’on ne rend pas meilleurs, loin de là ? De quel droit reprend-on le texte de l’édition princeps, quand l’auteur a cru devoir l’amender ? Pourquoi ajouter au chapitre xiii une note empruntée au registre des Corrections[2], mais non insérée par Montesquieu dans l’édition de 1748 ? Toutes ces variantes sentent furieusement « la témérité des libraires »[3], spéculant, sur le goût ou sur la curiosité du public.

  1. Deux Opuscules de Montesquieu, publiés par le baron de Montesquieu (Bordeaux, G. Gounouilhou, 1891), page 11.
  2. Diverses Corrections, page 21.
  3. Voyez l’Avant-Propos de notre édition des Lettres persanes, page xiv.