Enfin, tout bas commerce ([1]) étoit infame chez les Grecs. Il auroit fallu qu’un citoyen eût rendu des services à un esclave, à un locataire, à un étranger : cette idée choquoit l’esprit de la liberté Grecque ; aussi Platon ([2]) veut-il, dans ses loix, qu’on punisse un citoyen qui feroit le commerce.
On étoit donc fort embarrassé dans les républiques Grecques. On ne vouloit pas que les citoyens travaillassent au commerce, à l’agriculture, ni aux arts ; on ne vouloit pas non plus qu’ils fussent oisifs ([3]). Ils trouvoient une occupation dans les exercices qui dépendoient de la gymnastique, & dans ceux qui avoient du rapport à la guerre ([4]). L’institution ne leur en donnoit point d’autres. Il faut donc regarder les Grecs comme une société d’athletes & de combattans. Or, ces exercices, si propres à faire des gens durs & sauvages ([5]), avoient besoin d’être tempérés par d’autres qui pussent adoucir les mœurs. La musique qui tient à l’esprit par les organes du corps, étoit très-propre à cela. C’est un milieu entre les exercices du corps qui rendent les hommes durs, & les sciences de spéculation qui les rendent sauvages. On ne peut pas dire que la musique inspirât la vertu ; cela seroit inconcevable : mais elle empêchoit l’effet de la férocité de l’institution, & faisoit que l’ame avoit, dans l’éducation, une part qu’elle n’y auroit point eue.
Je suppose qu’il y ait parmi nous une société de gens si passionnés pour la chasse, qu’ils s’en occupassent uniquement ; il est sûr qu’ils en contracteroient une certaine rudesse. Si ces mêmes gens venoient à prendre encore du goût pour la musique, on trouveroit bientôt de
- ↑ Cauponatio.
- ↑ Lib. II.
- ↑ Aristote, politiq. lib. X.
- ↑ Ars corporum exercendorum, gymmastica ; variis certaminibus terendorum. pœdotribica. Arist. polit. lib. VIII, ch. III.
- ↑ Aristote dit que les enfans des Lacédémoniens, qui commençoient ces exercices dés l’âge le plus tendre, en contractoient trop de férocité. Polit. liv. VIII, chap. IV.