Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/174

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la différence dans leurs manieres & dans leurs mœurs. Enfin, les exercices des Grecs n’excitoient en eux qu’un genre de passions, la rudesse, la colere, la cruauté. La musique les excite toutes ; & peut faire sentir à l’ame la douceur, la pitié, la tendresse, le doux plaisir. Nos auteurs de morale, qui, parmi nous, procrivent si fort les théâtres, nous font assez sentir le pouvoir que la musique a sur nos ames.

Si, la société dont j’ai parlé, on ne donnoit que des tambours & des airs de trompette, n’est-il pas vrai que l’on parviendroit moins à son but, que si l’on donnoit une musique tendre ? Les anciens avoient donc raison, lorsque, dans certaines circonstances, ils préféroient, pour les mœurs, un mode à un autre.

Mais, dira-t-on, pourquoi choisir la musique par préférence ? C’est que, de tous les plaisirs des sens, il n’y en a aucun qui corrompe moins l’ame. Nous rougissons de lire, dans Plutarque ([1]), que les Thébains, pour adoucir les mœurs de leurs jeunes gens, établirent, par les loix, un amour qui devroit être proscrit par toutes les nations du monde.

  1. Vie de Pélopidas.