Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/239

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loi a confiance en la mere, comme si elle étoit la pudicité même. Mais la question contre les criminels n’est pas dans un cas forcé comme ceux-ci. Nous voyons aujourd’hui une nation[1] très-bien policée la rejetter sans inconvénient. Elle n’est donc pas nécessaire par sa nature[2].

Tant d’habiles gens & tant de beaux génies ont écrit contre cette pratique, que je n’ose parler après eux. j’allois dire qu’elle pourroit convenir dans les gouvernemens despotiques, où tout ce qui inspire la crainte entre plus dans les ressorts du gouvernement : j’allois dire que les esclaves, chez les Grecs & chez les Romains….. Mais j’entends la voix de la nature qui crie contre moi.


CHAPITRE XVIII.

Des peines pécuniaires, & des peines corporelles.


Nos peres les Germains n’admettoient gueres que des peines pécuniaires. Ces hommes guerriers & libres estimoient que leur sang ne devoit être versé que les armes à la main. Les Japonois[3], au contraire, rejettent ces sortes de peines, sous prétexte que les gens riches éluderoient la punition. Mais les gens riches ne

  1. La nation Angloise.
  2. Les citoyens d’Athenes ne pouvoient être mis à la question, (Lysias, orat. in Argorat), excepté dans le crime de lese-majesté. On donnoit la question trente jours après la condamnation.(Curius Fortunatus, rethor. schol. liv. II.) Il n’y avoit pas de question préparatoire. Quant aux Romains, la loi 3 & 4 ad leg. Juliam majest. fait voir que la naissance, la dignité, la profession de la milice, garantissoient de la question, si ce n’est dans le cas de crime de lese-majesté. Voyez les sages restriction que les loix des Wisigoths mettoient à cette pratique.
  3. Voyez Kempfer.