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craignent-ils pas de perdre leurs biens ? Les peines pécuniaires ne peuvent-elles pas se proportionner aux fortunes ? Et enfin, ne peut-on pas joindre l’infamie à ces peines ?

Un bon législateur prend un juste milieu : il n’ordonne pas toujours des peines pécuniaires ; il n’inflige pas toujours des peines corporelles.


CHAPITRE XIX.

De la loi du talion.


Les états despotiques, qui aiment les loix simples, usent beaucoup de la loi du talion[1] : les états modérés la reçoivent quelquefois. Mais il y a cette différence, que les premiers la font exercer rigoureusement, & que les autres lui donnent presque toujours des tempéramens.

La loi des douze-tables en admettoit deux : elle ne condamnoit au talion que lorsqu’on n’avoit pu appaiser celui qui se plaignoit[2]. On pouvoit, après la condamnation, payer les dommages & intérêts[3], & la peine corporelle se convertissoit en peine pécuniaire[4].

  1. Elle est établie dans l’Alcoran. Voyez le ch. de la vache.
  2. Si membrum rupit, ni cùm eo pacit, talio esto, Aulu-Gelle, livre XX, ch. I.
  3. Ibid.
  4. Voyez aussi la loi des Wisigoths, livre VI. tit. 4. §. 3. & 5.