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leurs fonctions ; les monarchies se corrompent, lorsqu’on ôte peu à peu les prérogatives des corps, ou les privileges des villes. Dans le premier cas, on va au despotisme de tous ; dans l’autre, au despotisme d’un seul.

"Ce qui perdit les dynasties de Tsin & de Soüi, dit un auteur Chinois, c’est qu’au lieu de se borner, comme les anciens, à une inspection générale, seule digne du souverain, les princes voulurent gouverner tout immédiatement par eux-mêmes[1]." L’auteur Chinois nous donne ici la cause de la corruption de presque toutes les monarchies.

La monarchie se perd, lorsqu’un prince croit qu’il montre plus sa puissance en changeant l’ordre des choses, qu’en le suivant ; lorsqu’il ôte les fonctions naturelles des uns, pour les donner arbitrairement à d’autres ; & lorsqu’il est plus amoureux de ses fantaisies que de ses volontés.

La monarchie se perd, lorsque le prince, rapportant tout uniquement à lui, appelle l’état à sa capitale, la capitale à sa cour, & la cour à sa seule personne.

Enfin elle se perd, lorsqu’un prince méconnoît son autorité, sa situation, l’amour de ses peuples ; & lorsqu’il ne sent pas bien qu’un monarque doit se juger en sûreté, comme un despote doit se croire en péril.


CHAPITRE VII.

Continuation du même sujet.


LE principe de la monarchie se corrompt lorsque les premieres dignités sont les marques de la premiere servitude ; lorsqu’on ôte aux grands le respect des peuples, & qu’on les rend de vils instrumens du pouvoir arbitraire.

  1. Compilation d’ouvrages faits sous les Ming, rapportés par le pere du Halde.